Make America Attractive Again

Les tarifs douaniers de Trump sont dérivés des déficits commerciaux des États-Unis. Mais s'agit-il vraiment de déficits ? Si l'on examine les chiffres au prorata du nombre d'habitants, on obtient un tout autre tableau et des conclusions surprenantes. Un article d'opinion

5/7/20257 min temps de lecture

Tarifs Trumpiens & déficits de la balance commerciale. Le sont-ils vraiment ?

Les désormais (in) célèbres tarifs « réciproques » de Trump ont secoué le monde. Les Trumpenomics ont été mis en œuvre pour calculer des droits de douane en prenant tout simplement le déficit commercial des États-Unis avec un pays donné, divisé par le total des marchandises de ce pays importées aux États-Unis, et en divisant ensuite le résultat par deux. Le grief de Trump est que ses (anciens) amis et ennemis ont profité des États-Unis pendant des décennies. Il résume cela en déclarant « ils n'achètent pas nos voitures, ils n'achètent pas notre nourriture », un mantra bien connu maintenant.

Mais est-ce vraiment le cas ?

Introduction de 2 facteurs qui influencent les déficits commerciaux.

    1 La population d'un pays donné par rapport à la population des États-Unis

    2 Le pouvoir d'achat de la population d'un pays donné

En gardant ces deux facteurs à l'esprit, examinons le grief bien connu de Trump selon lequel « ils n'achètent pas nos produits » et appliquons une analyse de la balance commerciale cette fois-ci « par habitant » (par opposition à la balance commerciale par pays). Cela jette une lumière totalement différente et, dans certains cas, conduit à des conclusions étonnantes. 

Et pour être tout à fait transparent, voici les sources de données utilisées : census.gov pour les balances commerciales et MS 365 Excel geography function pour la démographie et le PIB. Sans plus attendre, entrons dans le vif du sujet.

L'Amérique d'abord

Les États-Unis ont une population de plus de 333 millions d'habitants et affichent le plus grand PIB nominal dans le monde de 21,4 billions USD (2024). Le PIB par habitant est donc de 64 290 USD. Ce dernier chiffre est un indicateur très approximatif du pouvoir d'achat, en l'occurrence des citoyens américains. La même approche sera appliquée à une série de pays pour rendre les choses plus comparables..

LES AMERIQUES

Les voisins proches : le Canada et Mexique
Le Canada

En tant que pays, les États-Unis ont un déficit commercial de 63 milliards d'USD avec le Canada. Les données par habitant montrent toutefois que ce sont les États-Unis qui bénéficient d'un excédent commercial confortable, c.à.d. en 2024 chaque Canadien a acheté pour 8974 USD de biens américains, tandis que chaque citoyen américain n'a acheté que 1238 USD de biens canadiens. Les citoyens Canadiens achètent donc 7 fois plus de produits américains que les Américains n'achètent de produits canadiens. Il n'est donc pas correct ni juste de dire « ils n'achètent pas nos produits ».

Le Mexique

En 2024, chaque Mexicain, même avec un revenu nettement inférieur à son voisin américain, a acheté pour 2619 USD de produits américains, tandis que les citoyens américains ont acheté pour 2520 USD de produits mexicains. Il est vrai que le déficit commercial des États-Unis avec le Mexique est important en chiffres absolus. Cela s'explique en partie par la façon dont les chaînes d'approvisionnement de la production américaine sont mises en place, en important des pièces de l'étranger pour assembler le produit final aux États-Unis. L'exemple parfait est l'industrie automobile, comme le sait un certain Elon...

EMEA sans U.E.

(EMEA = Europe, Moyen Orient et Afrique)
ROYAUME-UNI (UK)

Comme vous pouvez le constater, les Américains n'ont chacun acheté que 204 USD de produits britanniques, tandis que les Britanniques ont acheté pour environ 1 193 USD de produits américains en 2024. Les Britanniques ont acheté 5,8 fois plus de produits américains que les Américains n'en ont achetés au Royaume-Uni. Même si le Royaume-Uni a une population beaucoup plus faible, les États-Unis, en tant que pays, ont toujours un excédent commercial de 11 milliards de dollars avec le Royaume-Uni. Pourtant, Trump continue d'appliquer des droits de douane. Question de tester les amitiés...

Arabie Saoudite

Ici aussi, l'Arabie Saoudite est un allié stratégiquement important avec lequel les États-Unis ont un excédent commercial, et qui est néanmoins soumis aux tarifs douaniers de Trump. Une logique difficile à comprendre. L'histoire s’écrit ici..

EMEA - E.U.

Benelux, Espagne, France, Allemagne, Italie
Excédent commercial Etats Unis

Les États-Unis disposent d'un excédent commercial avec l'Espagne et avec chaque pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), mais malgré cela des droits de douane seront appliqués.

Deficits commerciaux Etats Unis

Les États-Unis ont par contre des déficits commerciaux avec des pays comme la France, l'Allemagne et l'Italie, mais, vu par habitant, les citoyens de ces pays achètent plus de produits américains que les Américains n'en achètent dans ces pays.

Allemagne : une analyse sommaire 

Les États-Unis accusent un déficit commercial de près de 85 milliards d'euros. Pourtant, en 2024, chaque Allemand achètera pour environ 900 USD de produits « Made in America », tandis que les Américains achèteront chacun environ 482 USD de produits allemands. Cela représente moins de la moitié de ce que les Allemands injectent dans les États-Unis.

APAC - PACIFIQUE

L'Australie, Nouvelle-Zélande et le Japon

Nous constatons ici le même phénomène. La valeur par habitant d’achats de produits américains dépasse de loin ce que les Américains achètent dans ces pays. Cela montre clairement qu'on ne puisse pas simplifier à l’extrême en disant « ils n'achètent pas nos voitures, nos machines ou notre nourriture ». On ne peut s'attendre à ce qu'un pays dont la population équivaut à un quart de celle des États-Unis égale le pouvoir d'achat de l'ensemble de la population américaine.

APAC - Asie

La Chine,l'Inde, l'Indonésie, Pakistan et Corée du Sud

En toute équité, les arguments de Trump ne doivent pas non plus être rejetés aveuglément. En examinant le tableau ci-dessus, on pourrait bien dire que Trump a tout à fait raison de mettre en œuvre des mesures tarifaires, puisque les données par pays et par habitant montrent que les États-Unis ont des déficits commerciaux dans chaque approche.

La Corée du Sud est l'exception ici, dans le sens où, en tant que pays dans son ensemble, elle a exporté davantage vers les États-Unis, mais chaque Coréen a tout de même acheté 1 269 USD de produits américains, tandis qu'un habitant des États-Unis n'a acheté que 395 USD de produits sud-coréens.

Pour conclure, le rôle du PIB par habitant

Une balance commerciale nue ne dit pas tout à elle seule. Il convient d'examiner de plus près le PIB par habitant (les chiffres en rouge), qui est un indicateur imparfait mais néanmoins approximatif du pouvoir d'achat de la population d'un pays. 

Des pays comme l'Inde (1,4 milliard d'habitants) et l'Indonésie (275 millions d'habitants) ont un pouvoir d'achat bien inférieur à la moyenne lorsqu'il s'agit d'acheter des produits fabriqués aux États-Unis. Ils ne peuvent tout simplement pas se permettre d'importer davantage de produits « made in USA », même s'ils le souhaiteraient. En outre, les moyennes ( par habitant ) des pays où le fossé entre riches et pauvres est énorme pourraient à première vue donner une impression relativement « normal », mais ce ne sont pas les ultra-riches en soi qui font tourner tout un pays. Il ne s'agit pas d'une déclaration politique du tout, mais de bon sens et d'une compréhension élémentaire des statistiques.

Conclusions

Les statistiques sont un drôle de jouet; c'est un peu comme la beauté qui se trouve dans l'œil de celui qui regarde. 

Mais, comme on vient de découvrir, les non-Américains achètent très souvent plus de produits américains que les Américains n'en achètent dans leur pays. Dans le cas contraire, comme dans certaines pays de l'Asie, cela semble être dû au manque de pouvoir d'achat réel de la population locale. Vous ne pouvez pas acheter une Tesla avec 2000 USD, n'est-ce pas ? Nous avons donc identifié la population du pays et le pouvoir d'achat réel local comme les principaux facteurs à l'origine des soit-disant déficits commerciaux des États-Unis en tant que pays.  

N'oubliez pas que tout cela ne tient ême pas compte des services, ni de l'impact de la façon dont les chaînes d'approvisionnement américaines sont mises en place. Les Américains sont-ils vraiment mieux lotis lorsque Boeing, Chrysler ou Ford doivent payer de lourdes taxes à l'importation sur des composants cruciaux dont leurs usines ont un besoin urgent ? Le retour de la production industrielle aux États-Unis est-il possible à court ou moyen terme, et encore faisable en termes économiques (coût de production) ? 

Malheureusement pour nos amis d'outre-Atlantique, je pense que la réponse est négative dans les deux cas. Vu de l'extérieur, les États-Unis deviennent très rapidement peu attrayants pour les investisseurs étrangers et même locaux en raison de l'incertitude récemment créée. Le monde ne va pas rester les bras croisés, mais identifier et mettre en œuvre de nouvelles solutions qui n'ont pas besoin des États-Unis.

Et quel est le rapport de tout cela avec l'investissement ?

Eh bien, tous ces événements influencent fortement les prévisions des économistes. Les prévisions économiques, à leur tour, influencent fortement les allocations d'actifs suggérées, telles que vous les trouvez sur www.myinvestmentassistant.com 

Et des allocations d'actifs influencent la composition de votre portefeuille. Aujourd'hui, et ça tient pour chaque profil de risque, cela implique une forte surpondération en liquidités et beaucoup moins d'actions, pour ce que cela vaut.

Si j'avais l'occasion de présenter un message d'une seule ligne au président Trump, ce serait

« Make America Attractive Again »   Je n'en dirai pas plus.

Investissez judicieusement et restez curieux !

7 Mai 2025